#TAC056 Sortie : 17 janvier 2025 |
En résonance Œuvres de François Narboni Ensemble Pyxis Nicolas Vallette, flûte et flûte alto Agnès Bonjean, piano Alain Celo, alto Coline Prouvost, hautbois Grégoire Catelin, violoncelle |
ALBUM EN ÉCOUTE ET EN VENTE SUR LA PAGE BANDCAMP
Production et direction artistique : François Narboni, Pyxis
Prise de son et montage :
Andy Sfetcu (1-4, 7-16) Studio TAC / Malambo
Raoul Leininger (5-6) Studio 3H Productions – Hagondange
Mixage : Andy Sfetcu
Mastering : Diego Losa / Studio Saint-Germain
Crédits photos :
Arnosss (Promenons-nous dans les bois mais pas que…),
Diego Pittaluga, Bin Liu
Maquette : Arnosss
En résonance est le fruit d’une collaboration de vingt ans entre François Narboni et l’ensemble Pyxis.
Cette rencontre artistique et amicale commence en 2004 avec la création d’un court duo intitulé Un enroulement kaléidoscopique d’ellipses mamelliformes. Elle se poursuit au fil des ans avec des créations régulières faisant parfois appel à des solistes extérieurs, à des chœurs ou à l’électronique et
culmine le 1er octobre 2023 à Paris avec un concert de Pyxis entièrement consacré à la musique de François Narboni à l’occasion de son soixantième anniversaire et dont ce disque se fait la résonance.
En résonance comprend des œuvres spécialement écrites pour Pyxis ainsi que des reprises faisant partie du répertoire de l’ensemble. Il s’agit d’œuvres solistes et de chambre s’appuyant principalement sur la flûte de Nicolas Vallette et le piano d’Agnès Bonjean, qui sont le cœur de Pyxis, auxquels
sont associés l’alto d’Alain Celo, le hautbois de Coline Prouvost et le violoncelle de Grégoire Catelin, sans oublier les images d’Arnosss, collaborateur de longue date de François Narboni, dont les photos issues de la série Promenons-nous dans les bois mais pas que… servent de visuel au projet.
Ensemble PYXIS
Agnès Bonjean, Coline Prouvost, Nicolas Valette, Alain Celo, Grégoire Catelin
© Diego Pittaluga © Bin Liu
Portrait de François Narboni © Arnosss
COMPOSER TOUJOURS : QUELQUE CHOSE ET NON PLUS RIEN
par François Narboni
Il n’y a rien – et puis il y a quelque chose ; composer, c’est ça. En écho au fameux « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » de Leibniz, c’est ainsi que j’ai toujours conçu la composition musicale. Celle-ci en particulier, qui
est toute ma vie, mais la création artistique en général. Des jeux de l’enfance au dessin et à la peinture que j’ai toujours pratiqués, aux histoires que j’écrivais enfant (un livre même !), puis à la musique, je n’ai eu cesse d’inventer, d’inventer toujours, et toujours à partir de rien. J’estime qu’en art, en musique, il n’est au départ rien, rien à découvrir mais tout à inventer, imaginer, concevoir. L’esprit créatif, ou artistique, diffère en cela de celui scientifique qui n’invente pas, si ce ne sont des méthodes, mais découvre et explique ce qui est, même les choses les plus enfouies, les plus éloignées, qu’il semble inventer tellement elles échappent à notre conscience. Malgré mon intérêt porté aux sciences – disons au peu que je puisse en comprendre – c’est un esprit, celui scientifique, que je n’ai guère (à ne pas confondre avec l’esprit pratique, que je n’ai pas toujours non plus…) L’existant déjà ne m’intéresse qu’en tant qu’il puisse nourrir ce qui doit advenir d’unique, de singulier, de premier.
Quand je dis qu’il n’y a rien, j’entends qu’il n’y a pas cette œuvre, ce morceau, cette mélodie, ce rythme avant que je ne les invente, mais bien sûr, il y a le reste, c’est à dire tout (soi, le monde) sauf ce morceau. Il y a d’abord celui qui crée, avec son être propre, son rapport au temps et à l’espace, son expérience, bref sa vie. Il y a les sons qui nous environnent et que l’oreille emmagasine depuis le ventre maternel. Ceux du quotidien ou bien uniques, du bruit du vent à l’ordinateur qui s’allume, du chant des oiseaux à la vibration du portable, de la voix de l’être aimé au bavardage environnant ; les sons qu’on entend sans les écouter, ceux qu’on écoute sans les entendre (le langage souvent), ceux qu’on choisit d’entendre, ceux qu’on choisit d’écouter. Parmi ceux-là, il y a la musique, celle déjà là, celle du monde, depuis toujours présente et dans laquelle on baigne ; la musique qui nous a formés, inventés même et que nous inventons à notre tour.
Je me souviens de la Théorie de la musique de Danhauser, ouvrage fort ancien et vénérable que les gens de ma génération utilisaient encore et dont le premier article proclamait avec autorité : La musique c’est l’art des sons. Je trouvais ça un peu court comme explication et en même temps trop général, tous les sons n’étant pas nécessairement musicaux. Aujourd’hui, je comprends
mieux cette définition et la fais volontairement mienne. Tous les sons sont implicitement musicaux et il appartient au musicien de les articuler au sein d’un langage pour créer un style.
Notre être musical se définit au fil des choix successifs et de l’évolution de notre gout. Les œuvres marquantes restent et nous déterminent tout au long de la vie, évoluant sans cesse dans la perception que nous en avons.
Le Sacre du Printemps ne me dit pas la même chose aujourd’hui que lorsque je le découvrais à quinze ans, ni l’Opus 33 n°2 de Haydn entendu plus tard, le prélude de L’Or du Rhin ou Répons. Cette musique qui nous habite, que nous avons découverte comme elle nous a découverts, est là, préalablement à la nôtre, c’est notre patrimoine, notre héritage, le legs des générations antérieurs, aussi le partage de nos contemporains. Pourtant, quand je compose, c’est rien qu’il y a, et de ce rien je fais quelque chose. Intervalle mélodique, enchainement de notes, accord, figure rythmique, assemblage de timbres, le matériau est limité et toutes les combinaisons possibles de hauteurs, rythmes ou sonorités semblent avoir été déjà utilisées. Il m’appartient alors non pas tant d’inventer un matériau qu’une technique alliée à une poétique susceptible de lui donner un nouveau visage. D’entité neutre qu’il était alors, le matériau devient maintenant source féconde d’idées nouvelles se déduisant les unes des autres. J’aime ce lien entre technique et poétique, deux domaines apparemment contradictoires mais que je considère comme indissociables, consubstantiels même. Le matériau n’a pas de vie, il n’est même pas encore solfège, ce qui suppose déjà un certain degré d’articulation. Il est neutre, la technique l’anime et la poétique le sublime. Nait l’œuvre alors qui habite le temps d’une nouvelle temporalité. Un rapport nouveau au temps, mais à l’espace aussi, se crée ainsi, définissant l’acte de composer, dans toute l’ambiguïté qu’il y a de remplir un temps où il n’y rien du
temps nouveau de quelque chose. L’invention musicale relève ce défi, transmuant même le matériau sonore le plus ordinaire, voire banal, en œuvre originelle – car première – et originale – car unique. Le rien, cette angoisse, devient alors chose créée, mute en « quelque chose », source de joie et d’accomplissement qui, paradoxalement, ne peut habiter que ce même rien, ce vide, ce néant, faisant de l’acte de composer, entre vide et plénitude, absence et réalisation, néant et être, le symbole de la vie même.